La liberté d'un nomade attentif à l'inexistant

  Je connais Jean-Paul Senez depuis des années. Il était peintre, quand je l'ai rencontré. Mais on n'est jamais infidèle à un Leica bien longtemps. Il est donc retourné à ses premières amours... qu'il partage aussi avec un appareil numérique !... Nul n'est parfait !

Jean-Paul, c'est une barbiche blanche devenue célèbre, mais surtout deux yeux vifs et gais, toujours à l'affût. Le regard qu'il porte sur le monde est bienveillant, même s'il est quelquefois moqueur...

Il s'intéresse à tout : aux itinéraires de l'adolescence intranquille, à la calvitie de passants inconnus, à des carcasses de voitures abandonnées dans les champs, à des cabanons au bord de l'eau,...

Le monde le passionne. Il est toujours preneur de nos petites histoires, de nos manies, de nos postures, de nos instants de folie, d'abandon..., parce qu'ils disent la vie, à leur manière. Il nous observe, il nous laisse faire, mais il n'est pas dupe. C'est un homme libre et il déplore que tous ne le soient pas. Alors il nous le fait remarquer, en passant, sans insister.

Un livre de Jean Paul s'appelle : « Les habitants de l'image ». L'image est pour lui comme un pays qu'on découvrirait à pied, au ras des choses. Des habitants aux coutumes étranges, à la langue incompréhensible... mais il y a toujours les gestes. Ceux qu'on fait et ceux qu'on observe, qu'on essaie de déchiffrer. Alors, de ces voyages, il rapporte des photos, mais ce ne sont jamais celles qu'on aurait prises à sa place, car il sait s'arrêter pour voir ce que nous avions ignoré, insouciants.

Mais je lui laisse la parole :

« Choisir d’aborder la photographie par le truchement d’itinéraires (personnels, divers, réels ou imaginaires) est un parti qui me convient bien. L’itinéraire est par définition le chemin à suivre pour aller d’un lieu à un autre.

Ces chemins intérieurs, sédentaires ou nomades, ouverts me permettent d’aller où je veux, de construire de courtes histoires, de les donner à voir, d’en emprunter aux autres, de m’approprier des mythologies nouvelles, et de proposer ainsi aux regards de multiples lectures de mes images et autant de grammaires possibles, soit en restant dans la narration linéaire et frontale, soit en laissant libre cours à d’autres formes narratives et en jouant avec le son, l’espace, les formats…

Le GPS donne les itinéraires à suivre mais quel plaisir de se tromper, de faire demi-tour ou marche arrière, d’hésiter, de changer de points de vues, d’aller dans un cul de sac…

Saisir et appréhender la variabilité du sens c’est admettre que la lisibilité si fragile de l’image passe par la diversité des sensibilités qui la contemplent, qui la manipulent...

La signification d’une photographie contemporaine réside dans sa relation à d’autres photographies plus anciennes et cette universalité me permet de concilier l’image du passé avec l’image du présent, tout en restant disponible aux talents des autres. » Jean-Paul Senez

Alors partez sur les chemins vagabonds qu'il vous propose. Visitez son site : www.senezphotographe.fr ou, mieux encore, allez voir ses expositions !